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Sur l’immigration, Bruno Retailleau se pose en pourfendeur d’une société multiculturelle

« Ce qui pose problème, ce n’est pas l’immigration en tant que telle, mais le nombre d’immigrés. » Le 8 octobre, place Beauvau, Bruno Retailleau expose sa pensée aux préfets qu’il a réunis. « Devant de tels flux [d’immigration], comment intégrer véritablement ? » Le ministre de l’intérieur défend une « conception exigeante de l’intégration, synonyme d’assimilation ». Quelques jours avant, l’ex-sénateur de Vendée déclarait sur LCI que « l’immigration n’est pas une chance ». Une formule qui figurait en entame du discours officiel de campagne de Jean-Marie Le Pen, en 1995. « L’immigration n’est pas une chance pour la France, c’est même un fléau », disait alors le fondateur du Front national (FN).
Si M. Retailleau s’est peut-être risqué à un emprunt, son discours sur l’immigration relève de la constance. En 1997, comme en témoigne une archive de télévision mise en ligne par l’Institut national de l’audiovisuel, celui qui est alors un député villiériste (Mouvement pour la France) de 36 ans, plaide déjà pour l’assimilation – « le droit à la ressemblance » – qu’il oppose à l’intégration – « le droit à la différence ».
Il explique alors que l’immigration est une « menace », parce que « créer une société multiculturelle avec la juxtaposition de blocs de populations, ce sera forcément une société multiconflictuelle ». « Les gens qui viennent et notamment l’immigration africaine, développait-il, ce sont des gens qui n’ont pas la même culture que nous, ce sont des gens qui viennent non pas pour être français, mais souvent pour profiter des droits sociaux français. Donc le problème est que ces gens ne souhaitent pas s’assimiler. »
Vingt-sept ans plus tard, sur LCI, tout juste nommé ministre, il critique à nouveau la « société multiculturelle » à l’anglo-saxonne qui « comporte le risque de devenir multiraciste » et engendre des « chocs violents ». Il vante au contraire le « dépassement des origines ». Et oppose « une première génération [qui] avait à cœur [de faire] assimiler les valeurs républicaines » à ses enfants. En juillet 2023, sur Franceinfo, lors des violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre, il avait jugé que « pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques ».
Derrière ce discours, « il y a l’idée que les immigrés ne sont pas assimilables, analyse l’ancienne présidente du Groupe d’information et de soutien des immigrés, Danièle Lochak. Et la théorie du grand remplacement procède de ça ». L’historien Emmanuel Blanchard note que M. Retailleau « est par ailleurs l’un des rares gouvernants à avoir utilisé sciemment le terme de “Français de papier” ces dernières années [lors des émeutes suivant la mort Nahel]. Or, cette expression renvoie à l’Action française qui, dans les années 1930, désigne ainsi les nouveaux Français naturalisés par la loi de 1927, en particulier ceux d’origine juive ». L’assimilation que le ministre défend, poursuit l’historien, « sous-tend une idée fixiste de l’identité, comme si la France était une donnée immuable dans laquelle on peut se fondre ».
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